mardi 14 décembre 2010

Sur la route de Memphis

                                                                                                         jeudi, 30 septembre 2010



Aéroport de Denver, Colorado 3h52 - Les yeux d'un rouge écarlate sont à cette heure en vogue. Tous ou presque arborent ce look déchiré. Indice d'un réveil brutal, cet état physique a donné naissance au surnom consacré à ces vols de nuit les red-eye flights.



Depuis toujours, l'homme a cherché divers moyens pour échapper au temps qui passe. En cette nuit aux arômes de greasy spoon , un collègue du Wiscosin , George Bokulisopski me fait le palmarès de ces dernières virées à Vegas. Visiblement , joueur compulsif ce dernier appartient à une longue lignée de voyageurs-pourvoyeurs. C'est avec fierté qu'il me raconte les péripéties de son ancêtre Busker Gaton un de ces nombreux aventuriers du Klondike.

En fait, George m'est totalement inconnu, il arrive souvent dans ce métier de faire la conversation avec le quidam. Une certaine fraternité existe entre les membres de notre profession. M. Bokulisopski est l'exemple typique du vétéran routier à la bonhommie insoumise. Ce repas roboratif terminé, nous échangeons notre identité sur carte. Il faut savoir qu'en ce domaine, votre prestation-imprimeur peut valoir aux yeux de vos collègues un certain sentiment d'infériorité. Vous vous rappellerez sans doute cette fameuse scène du film American Psycho où la présentation des cartes professionnelles est tendue.




En transit vers Memphis, je prépare mon argumentaire d'usage. Ce matin, une importante maison d'imprimerie m'offre une audience. Au tableau, plusieurs millions de dollars en contrats sont disponibles. Il me faut absolument ce client, spécialiste de l'emballage alimentaire.

Memphis , Tennessee 9h46

Mon vol fut agréable, Julianne ma voisine de cabine m'a très certainement tenu en haleine. Cette brune plantureuse aux atouts des Éoliennes oeuvre pour un important joaillier londonien. Entre pierres précieuses et regards scintillants , elle m'invite cordialement à prendre un repas en soirée.

Le temps d'une pause café, je réserve mon prochain vol pour Berlin. Mon rendez-vous est prévu pour 10h30, ma voiture de location est prête, je quitte pour le centre-ville.

Ville étrange, Memphis transpire le barbecue à la sauce Presley. En tous lieux, son enfant prodigue se manifeste. Le King est ici toujours bien vivant ! Même en matinée, le portail de sa résidence , Graceland est peuplé d'admirateurs nostalgiques. Je compte bien y faire un tour en fin d'après-midi.


Me voilà arrivé au siège central du client convoité. Madame Tuskins, réceptionniste à la moue hostile annonce ma présence par interphone à l'équipe dédiée aux achats internationaux. Un certain Jimmy Homtken m'accompagne à la salle de conférence. Table de formica émaillée , tapis shag vintage et trophées corporatifs font le décor d'un goût douteux. Pour un moment, j'ai eu le sentiment d'être au coeur du vétuste feuilleton télé Dallas. Gordon Tomlinson, responsable du dossier fait son entrée en me lançant ces mots : Mr. Tremblay it's an honor to have you with us this morning. As you probably know our market is in the mix of drastic changes. We sincerely feel that your products might help us win new sectors. Now that your offer is on the table we would appreciate a slight margin of stocks in the event of a specific patent . Fierce rivalries are making our job way tougher than it was some years ago and this is why we have to protect our licensed brands.  

Après deux heures de négociations tumultueuses, nous avons paraphé une entente sur la livraison et la protection d'une partie des droits de transfert de la marque. Chose certaine, ces gens ont le mérite d'aborder les questions difficiles de front. Voulant se montrer sympathique à mon endroit, le patron m'invite à casser la croute dans ce qui s'avère être le meilleur burger joint du coin. Dyer's , véritable institution de Memphis, fait dans le deep-fried burger. Crise cardiaque en intraveineuse, la viande est plongée dans un bassin de graisse pour la cuisson. La légende affirme que la graisse est la même depuis 1912 !!! Un peu débile, mais je dois admettre que leurs burgers sont délectables.




Question d'éliminer les calories et d'observer la faune locale, je déambule sur Beale Street. Cette artère légendaire est pour plusieurs fanas le berceau du blues. En y circulant, il est aisé de s'imaginer le jeune Elvis s'imprégnant de cette culture noire et d'y amalgamer le gospel et le country. Tout près sur Union Street le célèbre studio d'enregistrement Sun qui a vu naître Elvis , Jerry Lee Lewis , Roy Orbison et Johnny Cash pour ne nommer qu'eux offre des visites thématiques.


Poursuivant ma visite du coin, je m'oriente en direction du Lorraine Motel (National Civil Rights Museum) , lieu où fut assassiné le 4 avril 1968, le révérend Martin Luther King Jr. Ce musée dédié aux combats meurtriers face au ségrégationnisme , ne laisse personne indifférent. Artefacts et reconstitutions physiques des appartements de la victime vous glacent le dos.



Tel que mentionné précédemment, je me promets une visite chez le King. Face à la résidence, un petit centre commercial hébergeant boutiques, restos et musées fait office de lieu de départ de la visite. En petits bus, le casque d'écoute sur les oreilles, le visiteur traverse le fameux grillage orné de notes de musique pour atteindre l'entrée principale du manoir royal. Suivant les touches de votre guide interactif, Elvis et ses hommes de confiance vous racontent anecdotes et souvenirs. Le décor kitsch est à prendre en considération des critères esthétiques de l'époque. Cette cage dorée fut à la fois le repère, mais aussi la prison d'un homme limité de par son milieu originel à une certaine autarcie. Lieu de mémoire, cette résidence retrace le parcours de ce jeune homme qui d'une vie miséreuse sut se hisser au sommet. Fin de vie dramatique, l'ensemble de l'oeuvre présentée à Graceland accorde avec sobriété un portrait intime de l'icône du rock. Enregistrée au patrimoine national historique des États-Unis, Graceland mérite le détour.

Il est bientôt 19 heures et j'entends bien rejoindre Julianne qui m'a donné rendez-vous au Blues City Café, l'endroit de prédilection pour des smoked ribs.



Voilà tout pour Memphis. Demain soir, je serai à Berlin pour une autre tournée ! Je vous laisse sur une vidéo du King !


Cordialement,

François Tremblay

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