mardi 14 décembre 2010

Tensions à Damas

                                                                                          samedi , 6 novembre 2010


Aéroport international de Damas - bureau des inspections 9h33

Tout juste débarqué de l'aéronef, deux agents de la police des douanes viennent à ma rencontre. L'un d'eux aime le jeu viril et insiste brusquement pour mes papiers. L'autre se contente d'observer la scène, le regard narquois. Nerveux, je me demande ce qu'ils ont en tête. Un troisième agent se pointe, son uniforme aux décorations imposantes me laisse comprendre qu'il est d'un grade supérieur. Après consultation entre douaniers, le supérieur me regarde fixement et me dit : How much is in your pockets ? Je lui réponds que je n'ai que 200 dinars jordaniens. Il rétorque dans un anglais approximatif : What are your plans for sleep tonight ? Rapidement, j'ai saisi l'escroquerie. Je suis sorti du poste amputé de mes espèces jordaniennes , la puce de mon téléphone cellulaire supprimée.

En état de choc, j'ai abruptement quitté le terminal sans bagage. Le long du débarcadère, deux hommes tiennent une conversation accoudés au capot d'un taxi. Ils s'approchent vers moi et me demandent si j'ai besoin d'être conduit au centre-ville de Damas. Pour une rare fois, on s'adresse à moi dans un anglais plus qu'acceptable. De fil en aiguille, ils me demandent où sont mes effets personnels. Coincé, je n'ai d'autre choix que de livrer avec craintes les détails de ma rocambolesque entrée en Syrie. Stupéfaits ils me demandent d'où je viens. Sans exiger un montant d'argent, le taxi m'offre volontiers la course vers l'ambassade canadienne.

Une fois sur place, le bureau d'aide me donne le montant de la course pour remettre au chauffeur. Sincèrement touché par cette générosité, j'insiste et l'invite en soirée pour un repas avec ses proches. Timide, mais assurément flatté il me dit de lui passer un coup de fil après avoir terminé mes dépositions à l'ambassade.

De retour dans les installations canadiennes, ils me permettent de joindre ma famille par téléphone et procèdent à la vérification de mon passeport et des autres documents relatifs à mon séjour pour affaires en Syrie. Quatre heures plus tard, je peux enfin rejoindre mon hôtel. Pour ma sécurité, le gouvernement syrien à été prévenu par les autorités canadiennes.

Dès mon arrivée à l'hôtel, une enveloppe contenant un message m'est transmise. Un numéro de téléphone y est inscrit et le sceau du gouvernement syrien y apparaît. Le tenancier de l'hôtel m'explique que le courrier fut déposé par un représentant du gouvernement et qu'il est chargé de surveiller mes déplacements.

Suivant les conseils de mon hôte, je décide de passer l'appel. Mon interlocuteur se dit sincèrement désolé pour ce qui est arrivé et il m'assure que les agents fautifs seront conviés devant les autorités militaires. Il m'indique qu'une voiture viendra me prendre en soirée pour le repas.

À ma grande surprise, un chauffeur officiel réclame ma présence au lobby vers 18 heures. Voiture protocolaire et membres du gouvernement syrien me souhaitent la bienvenue. En sécurité, ils m'entrainent vers un établissement prisé du souk de Damas.

Attablé au fond du restaurant en sous-sol le dos au mur, le président Bashar el-Assad est accompagné de son épouse et de ses acolytes. Dès lors, il me transmet ses regrets et me témoigne son respect pour le Canada et souhaite que cet épisode n'ait pas de conséquences graves entre nos autorités nationales respectives.

Un souper majestueux et quelques heures plus tard le président m'invite à rentrer à mon hôtel en compagnie de son chauffeur particulier.

La nuit fut pénible, j'avais cinq jours devant moi pour reprendre le collier.

François Tremblay

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